lundi 13 juin 2011

Livre Six - La mamie et le pédophile.

Le quotidien d'une bibliothèque est tout de même assez morne. D'autant plus une bibliothèque d'un quartier franchement huppé ou l'on n'a même pas le loisir de se faire agresser de temps en temps pour tuer le temps et les bibliothécaires qui ne courent pas assez vite.

Et il est important d'ajouter que une tentative de meurtre bien réelle et tangible est quelque chose de terriblement plus excitant que la lente déchéance cérébrale qu'est la discutions avec les vieux. Alors déjà, mettons tout de suite quelque chose au point : Un vieux n'est pas une personne âgée. Le fait que les deux symptômes, âge et vieillesse se confondent souvent peut induire le néophyte en erreur, mais l'expert en gérontologie ne s'y trompe pas.

Le vieux, c'est celui qui a décidé de vous faire assumer, à vous, sa solitude, ses problèmes, ses petits tracas. Qui se répète et n'en fini pas de raconter le même rien sous toute les déclinaisons possible, puis qui vient redemander. Pour être bien sur. Un vieux, c'est souvent seul, c'est souvent triste et ca ne demande rien d'autre qu'un peu d'attention l'espace d'un instant.

Alors oui, je sais ce que les gens pensent "Ça coute pas grand chose de discuter un peu et de donner un sourire"

Ouai, et bah l'histoire suivante illustrera ma grandissante phobie des vieux.

Un samedi soir, 17H55, fermeture dans 5minutes, on regarde défiler les derniers usagers en pensant déjà à la puanteur du métro la chaleur du foyer. C'est le week end, les oiseaux chantent et même la folle qui vient se plaindre pour la centième fois que Hannah Arendt fait quand même une sacrée fixation sur "les juifs qui ne sont quand même pas tellement des victimes que ça, hein, faupadéconay" passe presque inaperçue dans la liesse du départ. On verrait presque les livres s'envoler tant l'atmosphère est légère.

Non, sans déconner quoi. On est a deux doigt de la partouze en pleine bibliothèque la, quand même.

Et c'est ainsi qu'arrive au milieu de l'euphorie la mamie. Petit air tremblotant, visage usée et pour parfaire le cliché un magnifique chapeau façon reine d'Angleterre.

La brave dame vient donc vers nous, et soudain les traits de la paisible mamie se déforme en un horrible rictus "Il y'a un homme en section jeunesse qui est en train de se masturber dans les toilettes pour enfants, l'immonde pédophile !".

Il faut avoir assister a une feria une fois dans sa vie pour comprendre la rage qui s'empare a la simple évocation du mot de notre brave horde de travailleur et qui les pousses a s'engouffrer tous dans l'escalier, direction jeunesse.

Il faut reconnaître que tout ceci est diablement bien organisé. Les issues sont aussitôt bloquées par des collègues, des patrouilles s'organisent entre les rayonnages, on fouille le moindre recoin, la moindre parcelle, mais étonnamment impossible de mettre la main sur l'immonde.

...Quel dommage que dans toute cette organisation on n'ait pas demandée a la brave dame comment avait elle vu quelqu'un se masturber a travers la porte des toilettes, ni à quoi celui-ci ressemblait, ni même, soyons fou, en quoi un pauvre type se masturbant dans des chiottes est un pédophile au lieu d'un gars paumé qui vient de tomber sur le dernier Manara / Caste des méta-barrons / Album soleil / San Antonio / Tom tom et nana / ...

M'enfin quoi, j'ai même entendu parler d'un homme retrouvé dans une fâcheuse position avec un Astérix entre les mains - ou les jambes - quoi. (Vilaine Falbala, vilaine)

Mais non. La fine équipe écume toujours les sous sol de la bibliothèque avec un filet de bave aux commissures lorsque la brave mamie vient nous voir d'un air désolé et annonce "Bon, en fait, ce n’était pas vrai, mais je m'ennuyais et je me sens seule, bon bah au revoir hein"

Morale de cette histoire : La mamie machiavélique est une nuisance bien plus fréquente qu'un pédophile ninja.

(Sur une note positive, on notera que l'été arrive. Et la canicule, aussi.)

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